
L’histoire des Néandertaliens reste peu claire aux yeux des paléoanthropologues en raison d’un trop petit nombre de squelettes découverts entre 400.000 ans et leur disparition. Certains chercheurs les voient se «néandertaliser» au fur et à mesure de leur histoire, les derniers étant donc une sorte de «canon». D’autres, comme Bruno Maureille (et Bernard Vandermeerch) voient plutôt une évolution en «mosaïque». Seule la découverte de squelettes fossiles en nombre suffisant pour englober l’ensemble de la variabilité présente aux différentes époques permettrait de trancher un tel débat.
700 fossiles d’animaux 500 silex
La fouille, dirigée par Jean-Philippe Faivre (CNRS, Pacea), à Tourville-la-Rivière avait ciblé un horizon stratigraphique précis, bien connu des préhistoriens pour receler des traces d’activités humaines. Là, près d’une berge de la Seine, adossée à une falaise, un hectare d’une carrière exploitée par Carrières et Ballastières de Normandie, a été fouillé. A l’aide de pelleteuses, maniées de mains de maître par des techniciens capables de racler la terre «centimètre par centimètre» se réjouit Faivre.
Lame Levallois © Hervé Paitier, InrapLame Levallois © Hervé Paitier, InrapL’équipe d’archéologues a découvert près de 700 fossiles animaux, caractéristiques d’un climat tempéré lors d’un interglaciaire: loup, renard, ours, panthère et petits mammifères (chats sauvages, castor et lièvre). Et environ 500 silex (lames, restes de débitages) dont 300 sur un site de taille d’outils et, en fin de fouille, ces trois os humains. L’étude des outils, typiques du débitage dit «Levallois» montre un usage pour le dépeçage d’animaux effectué immédiatement après la taille. Certains os, notamment d’aurochs exhibent des traces de chocs destinés à en extraire la moelle pour la consommation. Toutefois, les restes animaux peuvent provenir soit de chasse —un endroit logique puisque les animaux s’abreuvant sont plus vulnérables aux prédateurs humains souligne Cécile Bemilli— soit d’apport de cadavres par les eaux du fleuve.
Parmi les caractéristiques intéressantes des os fossiles dénichés, un petit relief de l’humérus caractéristique des Néandertaliens montre d’une part un fort développement du muscle deltoïde - celui qui est sollicité lors d’un geste de lancer, éloignant le bras du corps et l’étendant, mais aussi la trace d’un arrachement ligamentaire. L’individu, de taille quasi adulte, mais dont le sexe demeure indéterminé, pouvait donc s’être blessé lors d’un mouvement trop brusque et trop appuyé. «Hypothèse», bien sûr, nuance Bruno Maureille. De là à imaginer un lanceur de javelot, il y a un pas que rien n’interdit de faire tandis que rien ne l’autorise non plus.
L’histoire de ce bras gauche risque de demeurer bien mystérieuse. Aucun autre os humain n’a été trouvé, ce qui peut laisser penser que ce bras est arrivé seul, charrié par la Seine, pas trop longtemps après avoir été détaché de l’épaule de son propriétaire. Avec ou sans main…
Source : Libération du 09/10/2014